Trop souvent prescrits par des généralistes face à des patients désireux de calmer sans peine leur vague à l’âme, les psychotropes peuvent avoir des effets dévastateurs, créer des dépendances physiques comme psychiques surtout s’ils sont consommés sans respecter les règles ! Etat des lieux autour d’une consommation abusive…
Publié le 1 décembre 2013
Les chiffres du “bonheur“…
Parmi les psychotropes, on compte les anxiolytiques, les antidépresseurs et les somnifères (de la famille de benzodiazépines plus connues sous les noms de Xanax, Temesta, Lexomil…) qui permettent respectivement d’apaiser l’anxiété, de relever une humeur dépressive ou de s’endormir.
Les Français (et encore plus les Françaises) ont pris l’habitude d’ingurgiter ces médicaments au point d’en être les premiers consommateurs mondiaux dans beaucoup de catégories.
Soit en 2010 :
134 millions de boîtes vendues dont 50 % d’anxiolytiques et 38 % de somnifères ce qui représente un marché global de 183 millions d’Euros ;
1 Français sur 5 aconsommé au moins une fois une benzodiazépine (ou apparentée) dans l’année ;
La France est le 2e consommateureuropéen d’anxiolytiques après le Portugal. Elle en consomme 9 fois plus que les Allemands et queles Anglais. (Source: Afssaps janvier 2012).
“Le psychotrope, dit le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, c’est le pompier destiné à éteindre l’incendie mental. Or, aujourd’hui, on l’appelle pour le moindre feu de brindilles.“
Des effets secondaires avérés…
Si l’effet thérapeutique de ces médicaments n’est pas remis en cause par les spécialistes, “l’overdose nationale“ – comme la nomme Guy Hugnet dans son livre “Psychotropes, l’enquête“ – comporte des risques. Ces “pilules du bonheur“, parfois dispensées sous prétexte d’un vague mal de vivre, ont des effets secondaires multiples et fortement déstabilisants chez des personnes déjà fragilisées.
Pour les seuls antidépresseurs de la famille du Prozac, Irving Kirsch, professeur de psychologie britannique en a dressé la liste, impressionnante : dysfonctionnement sexuel, insomnie, prise de poids, diarrhées, nausées, somnolence, réactions cutanées, nervosité, anorexie, transpiration…
Plus généralement, lesantidépresseurs entraînent notamment des troubles du sommeil et présentent un risque de suicide accru en début de traitement.Quant aux benzodiazépines, la liste n’en est pas moins longue : somnolence, altération du comportement entraînant des chutes ou accidents (particulièrement lors de la conduite de véhicules), amnésie, troubles de la mémoire, dépendance physique et psychique avec un syndrome de sevrage à l’arrêt…
… et aggravés pour les personnes âgées
De plus, de récentes études suggèrent un lien possible entre benzodiazépines et démences séniles dont la maladie d’Alzheimer.
Face à un tel constat, ces médicaments devraient être prescrits avec beaucoup de prudence d’autant plus pour les personnes âgées qui présentent des risques de chute et des troubles de la mémoire. A l’heure actuelle, les benzodiazépines sont prescrites essentiellement par les médecins généralistes (9 fois sur 10) bien qu’ils ne soient pas formés pour diagnostiquer des pathologies lourdes comme la schizophrénie ou le malade bipolaire.
Du bon usage des psychotropes
Très souvent, les règles basiques d’utilisation de ces comprimés ne sont en effet pas respectées et augmentent ainsi le risque d’effets secondaires jusqu’à poser à l’heure actuelle, de graves problèmes de santé publique.
Alors, connaître ces règles peut améliorer l’effet bénéfique de ces médicaments :
- Les tranquillisants et les somnifères doivent être utilisés durant une période maximale de deux à quatre semaines.
- Les benzodiazépines sont extrêmement difficiles à arrêter et peuvent être responsables d’une baisse de la vigilance, potentialisée par l’alcool. Leur usage ne devrait pas excéder une durée de quatre semaines sous peine de provoquer une dépendance.
- Pour être efficaces, les antidépresseurs, en particulier ceux de la famille du Prozac doivent être pris durant six mois minimum. Leurs effets indésirables peuvent être multiples : agitation, anxiété, attaques de panique, insomnies, troubles sexuels, nausées, diarrhées, maux de tête… et particulièrement la première semaine de traitement.
Des liaisons (parfois !) dangereuses…
Les benzodiazépines (anesthésiant de l’état anxieux) et les antidépresseurs (correcteurs de l’humeur dépressive) ont une action radicalement opposée. Dans un cas, il s’agit de tranquillisant, de l’autre d’hypnotique. D’où vient alors que dans 21 % des cas, les deux types de produits figurent sur la même ordonnance ? Sachant que les effets secondaires risquent d’être démultipliés en particulier chez les personnes atteintes de démence : déshydratation (qui peut être fatale en période de canicule), chutes, pertes de mémoires !
Pour éviter les troubles cardiovasculaires – palpitations, tachycardie, syncopes – provoqués par les neuroleptiques (et/ou leur association) et pouvant être responsables de morts subites, l’Afssaps a rédigé fin 2001, une liste de douze neuroleptiques susceptibles d’entraîner des arrêts cardiaques. Elle déconseille fortement d’associer sur une même ordonnance deux de ces médicaments.
Des alternatives naturelles et de bon sens !
Plutôt que de prendre un tranquillisant, il existe d’autres solutions non médicamenteuses. “Une relation amicale, tout comme l’activité physique, favorise la sécrétion de neuromédiateurs euphorisants“,constate Boris Cyrulnik. C’est ainsi, qu’une vie sociale chaleureuse, une activité sportive régulière, une alimentation équilibrée, riche en vitamine D pourront aussi jouer un rôle fortement stabilisant, évitant les humeurs dépressives qui vont peu à peu dériver en dépression.